17 mai 2015: Témoignage d'Amélie d'Ursel
17 mai 2015: Témoignage d'Amélie d'Ursel
- Bonjour Amélie, pourrais-tu te présenter brièvement et expliquer les circonstances qui t'ont amenée à venir travailler dans notre orphelinat au Népal en tant que bénévole?
Amélie - J'ai 25 ans et je viens de Namur. Je suis logopède depuis bientôt 4ans et travaille tant avec les enfants qu'avec les adultes. J'ai toujours voulu partir à l'étranger pour aider et travailler comme volontaire dans un pays défavorisé mais les événements de la vie ne m'en avaient jamais donné l'opportunité jusqu'à présent. Je sentais que je voulais vraiment le faire, que c'était important pour moi, et j'ai donc demandé un congé sans solde à mon patron et ai pris un break pour pouvoir me rendre au Népal. C'est une amie de maman, qui avait déjà entendu parler de l'association par son boulot, et qui m' avait conseillé de vous contacter. Je ne voulais pas partir avec une énorme ONG qui a déjà plein de volontaires donc ce projet me semblait parfait.
Chris - Il est très difficile et pratiquement impossible pour nous d'imaginer ce que c'est de vivre une catastrophe naturelle telle qu'un tremblement de terre d'une magnitude supérieure à 7. Même si ça ne doit pas être aisé pour toi de te replonger dans ces moments, pourrais-tu nous décrire le fil de ta journée du 25 avril 2015 et des jours qui ont suivi avec les répliques violentes?
Amélie - ce samedi 25 entre midi et 13h, nous étions en classe avec les enfants en train de commencer une activité car il faisait trop chaud dehors, lorsque ça a commencé à trembler... Pendant un très bref instant, nous nous demandions ce qu'il était en train de se passer, avant de comprendre et de tous ensemble se précipiter dehors. C'était vraiment la panique totale, très difficile à décrire mais je peux vous dire que j'en ai encore des frissons...Ça fait énormément de bruit (un peu comme un énorme camion sur une route en pas très bon état) et tout bouge d'une de ces forces... on voyait tout trembler autour de nous, on s'était abaissé et on vérifiait que les arbres ne risquaient pas de tomber. Nous avons vu le toit et une partie de mur d'une maison voisine s'écrouler, et tous les gens criaient et essayaient de se mettre à l'abri, là où il n'y avait rien (champs, jardins,...). Nous sommes alors restés toute l’après-midi dehors, et nous avons dormi au milieu du jardin. tous les jours suivants, nous avons vécu dans la peur, mais nous faisions tout pour le cacher auprès des enfants pour les rassurer. Nous imaginions des activités et les occupions le plus possible car l'école a été fermée. Le plus dur était toutes les répliques qui revenaient plusieurs fois par jour. C était très stressant, angoissant, et à toujours se demander ce qui allait se passer ensuite... Ça joue vraiment sur le psychologique.... Une énorme inquiétude et tristesse régnaient aussi car il était difficile, voire parfois impossible, d'avoir des nouvelles des villages liés aux entourages des gens de l'orphelinat, et de savoir tous les dégâts et les morts qu'il y avait un peu partout... Apprendre qu'un second tremblement de terre avait eu lieu ce 12mai, j'en ai été malade car je revivais tout ça, et j'imaginais la détresse et l'angoisse de toutes ces personnes encore là-bas....
Chris - Que penses-tu de l'attitude du peuple népalais face à l'adversité? Est-ce que l'entraide et la solidarité étaient omniprésentes autour de toi?
Amélie - J'ai vraiment été impressionnée par la force de ce peuple face à une telle tragédie. L'entraide et la solidarité étaient présentes partout. Les gens se soutenaient. Ils ont aussi énormément de courage, essayaient de se remettre à travailler le plus vite possible s'ils le pouvaient, allaient aider leurs voisins,... J'ai pu constater cela tant dans le village de Khairenitar que sur le chemin vers la ville, jusqu’à Kathmandu.
Chris - Tu es, pour l'instant, la seule membre de l'association à avoir vu l'ampleur des dégâts, cela semble être un petit miracle que le bâtiment de l'orphelinat ne soit pas endommagé, qu'en est-il du reste du village de Khairenitar et des alentours? J’imagine que ton retour à Katmandou a dû être difficile et que la capitale, elle aussi, doit porter de sévères marques des secousses?
Amélie - Je pense que la grande chance de l’orphelinat est qu’il soit de plein pied. 3 jours avant le tremblement, il y avait eu une tempête qui avait fait tomber 3 arbres mais heureusement il n’y avait pas trop de dégâts. Les potagers avaient été un peu endommagés et ils avaient donc perdu des légumes mais ils espéraient avoir quand même assez pour la suite de l’année. J’espère…
Pour les dégâts dans le village, je n’ai pas vu grand-chose car je restais avec les enfants et les didis. Jayandra m’a expliqué que pas mal de maisons dans le village avaient perdu leur toit et parfois des parties de murs. Quelques maisons étaient complètement par terre, mais heureusement peu dans ce village. Les constatations étaient bien pires dans des villages comme celui de la famille de Dipak,…
Le chemin vers Kathmandu et mon arrivée là-bas ont en effet été assez difficiles et choquants. Beaucoup de chutes de pierres et de terre sur le coté des routes, beaucoup de maisons détruites et des gens dehors, sans rien, … C’est difficile d’expliquer à quel point c’est catastrophique pour tous ces gens, mais vraiment, personne ne voudrait ni voir ni vivre cela… Beaucoup de gens n’ont plus rien, plus de toit, et la mousson arrive à grands pas… Les problèmes d’eau, de nourriture, d’épidémies étaient aussi fort inquiétants.
Chris - Au moment de ton départ du Népal j'imagine que ça a aussi dû être émouvant de quitter les enfants, et qu'une partie de toi est restée là-bas. Pourrais-tu nous confier une anecdote, ou un échange particulier, qui laissera une trace indélébile dans ton coeur?
Amélie - Mon départ n’a pas été facile en effet, et une partie de moi est toujours là-bas. J’espère d’ailleurs pouvoir y retourner quand j’en aurai l’occasion. J’ai énormément de souvenirs et d’échanges qui resteront à jamais gravés dans mon cœur mais un des derniers événements qui m’a marqué, c’était la veille de mon départ. Nous étions encore tous dans la crainte des répliques, assez stressés et vraiment épuisés, et ils ont tenu à organiser malgré tout, une petite fête pour mon départ. Ils ont mis de la musique, et nous avons dansé tous ensemble. Ça restera un des moments magiques pour moi. Ces gens sont extraordinaires, ils ont la main sur le cœur, feraient tout pour toi, te donneraient tout ce qu’ils ont, alors qu’ils n’ont déjà « rien ». Beaucoup de gens dans nos pays devraient parfois un peu prendre exemple ou aller voir ce qui se passe ailleurs pour se rendre compte de beaucoup de choses…
Chris – Merci du fond du cœur Amélie pour ton émouvant témoignage de la part de tous les membres de notre association et surtout merci pour ta présence auprès des enfants durant cette épreuve!